A la découverte du plateau de la Gayolle

L’itinéraire présenté ici a été conçu à l’occasion de la participation de la Commune d’Yvoir à l’opération «Rendez-Vous sur les Sentiers» 2010. Deux sentiers ont été, dans ce cadre, remis en valeur et rendu à un usage public plus régulier. Il s’agit de portions plus ou moins importantes des sentiers vicinaux n°29 et 47 de l’ancienne commune d’Evrehailles, aujourd’hui intégrée dans l’entité d’Yvoir. Le premier sentier réalise une liaison douce entre le hameau de Bauche, le long du Bocq et le plateau de la Gayolle. Le second relie ce même plateau à la Grotte ND de Lourdes et aux «Instituts d’Yvoir», aujourd’hui Centre d’Accueil pour demandeurs d’asile, géré par la Croix-Rouge de Belgique. Cet itinéraire décrit une boucle autour de la basse vallée du Bocq en utilisant les deux sentiers ainsi mis en valeur ainsi que d’autres modes de liaison doux des entités d’Yvoir et d’Assesse.

Les photos ont toutes été prises lors du parcours inaugural organisé le samedi 6 novembre 2010. D’autres animations avaient été organisées ce même week-end des 6 et 7 novembre 2010 dans les environs immédiats du hameau de Bauche (balade nature, balade nature au travers de nos sens, visite historique commentée du hameau de Bauche…).

Cet itinéraire permet d’aller à la rencontre de la nature et de l’histoire de cette belle région du Condroz Namurois.

Gare d’Evrehailles-Bauche

Le 19ème siècle voit se développer à grande échelle l’industrie extractive (carrières de pierres bleues, de petit granit du Bocq, de marbre et de grès) dans toute la vallée du Bocq. Des carrières existent depuis toujours dans la vallée mais, à partir du 19ème siècle, les produits sont vendus et exportés partout en Belgique et même au-delà. La question du transport se pose donc avec acuité. C’est l’une des raisons pour lesquelles sera établi dès 1894 le tracé de la ligne de chemin de fer du Bocq, reliant Ciney à Yvoir. Les travaux sont difficiles vu la nature même du terrain. La voie est construite à partir de Ciney; Evrehailles-Bauche est atteinte en 1903 et en 1907 la liaison jusqu’à Yvoir est achevée. C’est de cette époque que date la gare d’Evrehailles-Bauche transformée depuis bien des années en restaurant. Les convois «voyageurs» ont cessé de circuler sur la ligne du Bocq depuis le 31 juillet 1960. Le trafic de marchandises a également été arrêté en 1983. La ligne revit cependant sous la forme d’un train touristique exploité par des bénévoles «fous de rail» qui, à ce jour, opèrent une liaison entre Ciney et Purnode durant chaque week-end d’été. L’arrivée de ces anciens autorails en gare d’Evrehailles-Bauche est prévue pour 2012…

Carrière de marbre gris de Saint-Laurent

Peu après la sortie du village, en direction de Yvoir, on quitte la route pour s’enfoncer dans le bois de Natonfosse, sur les pentes de la vallée du Bocq. A l’entrée du «sentier de Natonfosse», sur votre droite subsistent les restes d’une ancienne petite carrière de marbre gris rubanné dont l’exploitation a cessé dans les années 1960. Nous sommes donc ici en pleine zone calcaire, comme c’est souvent le cas dans les fonds de vallée du Condroz.

La complexité géologique du Bassin de Dinant a donné naissance à l’extraction de plusieurs types de pierres naturelles dans la région: grès rustiques, pierres calcaires souvent appelées «pierres bleues» ou encore «petit granit» ainsi que certaines variétés de pierres calcaires particulièrement adaptées au polissage, comme les marbres noirs ou gris. A côté de ces pierres «nobles», on recense encore dans la région plusieurs sites schisteux mais ceux-ci n’ont généralement pas donné lieu à une exploitation industrielle. Cela s’explique sans doute par l’abondance d’alternatives de qualité dans la région et, sans doute, la mauvaise qualité «ardoisière» des schistes de la vallée du Bocq.

Il ne faut pas s’étonner de trouver, quasiment à quelques dizaines de mètres d’intervalles dans la vallée du Bocq, des gisements de grès et des gisements de pierre calcaires. C’est là une conséquence directe de la structure même du bassin de Dinant qui résulte de mouvements tectoniques. Ces mouvements puissants ont, il y a plusieurs centaines de millions d’années, provoqué des plissements des couches successives de sédiments déposés par les mouvements de transgression et de régression de la grande mer qui recouvrait nos régions. L’érosion a ensuite provoqué des affleurements mettant à jour, de façon différenciée, la structure des couches sous-jacentes. C’est ainsi qu’une carrière de petit granit peut très bien voisiner une carrière de grès tandis que les terres s’étendant au sommet de ces carrières sont de nature schisteuse…

Plateau de la Gayolle

Au débouché du Bois de Natonfosse, le sentier se déroule sur un beau plateau calcaire, coincé avec la vallée du Bocq et un massif schisteux famennien (374 à 359 millions d’années) formant la «selle de cheval» de Bauche. Le sous-sol calcaire que nous rencontrons ici est plus ancien que les schistes avoisinants. Il remonte au Frasnien (385-374 millions d’années) La traversée du plateau permet de découvrir quelques phénomènes caractéristiques des plateaux calcaires. Le sentier longe en effet, à proximité de deux habitations, un petit bois où se dissimule encore d’anciens chantoires. Van den Broeck & Co ont émis l’hypothèse que cette zone calcaire étant en communication directe avec le massif calcaire par où s’écoule le Bocq, entre Bauche et les Instituts, il n’était pas impossible que l’anciennement fameuse fontaine intermittente de Crupet, située sur l’autre rive de la rivière mais dans le même complexe calcaire ait été alimentée au moins partiellement par des siphons multiples situés sous le plateau que nous parcourrons.

Parc Résidentiel de la Gayolle

Il semblerait que, au fil du temps, le nom de la «Gayolle» (la petite cage en wallon) ait été donné à toute la zone surplombant le petit hameau historique de la Gayolle constitué autour de la huitième forge éponyme d’Yvoir, la «forge de la Gayolle». Cette forge, située en réalité sur le territoire de l’ancienne commune d’Evrehailles, à la limite d’Yvoir, a été transformée depuis de nombreuses années en atelier de sciage de marbres et de pierres bleues.

Aujourd’hui la «Gayolle» évoque donc plus le Parc Résidentiel que l’antique 8ème marteau d’Yvoir. Ce Parc Résidentiel présente la particularité d’être une copropriété. Les divers emplacements constituant le Parc sont donc la propriété de particuliers, généralement propriétaire du chalet résidentiel ou de la caravane qui y est installé. On compte plus ou moins 300 copropriétaires régis par un règlement de copropriété comme toute autre copropriété immobilière.

Après avoir longé sur quasiment toute sa longueur le Parc de la Gayolle, nous empruntons le sentier n° 47 vers la Grotte ND de Lourdes, au fond de la vallée du Bocq.

Roches de la Gayolle

Au moment où le sentier amorce sa descente rapide vers le fond de la vallée, nous nous trouvons en fait au coeur d’une très belle formation de roches calcaires. Si nous faisons un rapide aller-retour vers la gauche (en passant sous la ligne à haute tension), nous pouvons découvrir un superbe ensemble d’abris sous roches, connus sous le nom de Roches de la Gayolle. C’est un exemple typique de phénomène karstique, mis à jour dans ce cas, par la formation de la vallée du Bocq, il y a de cela plusieurs millions d’années.

Après une descente parfois un peu difficile car glissante et peu stable, nous aboutissons au site de la grotte de ND de Lourdes, installée au pied de la falaise, face au Bocq et à une grande prairie alluvionnaire aujourd’hui parfaitement entretenue par l’homme.

Les Instituts d’Yvoir

Face à la grotte et sur l’autre rive du Bocq, nous découvrons l’impressionnant ensemble de bâtiments de l’un des Instituts d’Yvoir.

Ces instituts occupent l’emplacement de la dixième forge d’Yvoir, appelée «Marteau Feuillen». Cette forge dont l’origine remonte au 16ème siècle mais dès le 18ème siècle, les forges en question périclitent et dès la fin du 18ème siècle, on ne retrouve plus ici qu’une petite exploitation agricole dans les bâtiments de l’ancienne forge.

Au 19ème siècle, tout comme à Bauche, on y installe un moulin à farines et un moulin à huile. Au début du 20ème siècle, en 1901, 16 pères cisterciens, «chassés» de France, s’installent dans l’ancien moulin. Ils y fondent un couvent dans des conditions éminemment précaires. En 1903, la construction de la ligne de chemin de fer trouble leur retraite monastique et les font partir vers les Pays-Bas…

En 1904, une demoiselle bruxelloise, fonde à Saint-Gilles un orphelinat. L’initiative connaît un grand succès et, en 1906, Mademoiselle Schaeken vient s’installer dans les bâtiments abandonnés par les cisterciens. Trois ans après son installation à Yvoir, l’orphelinat héberge 120 enfants de 4 à 12 ans ainsi qu’une communauté de 12 religieuses, plusieurs domestiques, une institutrice professionnelle, etc. Dans les années 1920, ce sont les soeurs de Saint-Vincent de Deinze qui reprennent la direction de l’orphelinat. C’est à cette même époque qu’est décidée la construction d’une grotte à ND de Lourdes, fidèle reproduction de la grotte de Lourdes. Les rochers de celle-ci ne sont cependant pas authentiques… un comble au pays de la pierre…

Aujourd’hui, la Fondation Saint-Vincent est toujours propriétaire des lieux (et des bois…) mais les bâtiments sont donnés en location pour une petite partie à un service d’aide à la jeunesse de la Communauté Française et, pour la plus grande partie, à la Croix-Rouge de Belgique qui y gère un grand Centre d’Accueil pour demandeurs d’asile.

Domaine d’Ahinvaux

Après avoir franchi le Bocq et être sorti du domaine de la fondation Saint-Vincent, nous entrons dans le domaine d’Ahinvaux.

Superbe domaine au coeur d’un bel écrin de verdure de 20 hectares, Ahinvaux a toute une histoire… Au départ, la famille de Halloy, propriétaire et occupante du Château de Tricointe, y installe dans les années 1910 un superbe haras pour chevaux de course… Le domaine est géré par un métayer qui y entretient également de très beaux vergers.

Le domaine surgit, dans les années 1970, au coeur d’un dossier politico-financier retentissant dans la vie normalement paisible de la Commune. La Commune acquiert le domaine dans l’intention d’y réaliser, de même que sur les pentes du massif de Tricointe, un grand projet de parc résidentiel touristique. Cette opération provoquera une levée de boucliers dans la commune et aboutira à la chute du Bourgmestre Debaty en 1976. Le projet sera finalement abandonné et le site des Crêtes de Meuse fera l’objet d’un classement. Malheureusement, la ferme d’Ahinvaux restera inoccupée jusqu’en 2004, date à laquelle, une famille namuroise implantera ici un grand projet de tourisme vert, durable et écologique. Nous y découvrirons un complexe sophistiqué d’épuration naturelle des eaux par lagunage, un système de chauffage par biomasse et un verger conservatoire qui a permis le sauvetage d’une variété rare de pomme cultivée jadis dans la vallée du Bocq, à Bauche.

Ferme de Vénalte

Après avoir traversé le domaine d’Ahinvaux, nous aboutissons bientôt aux limites de la Commune d’Yvoir et nous découvrons, su sommet d’un très beau coteau calacire, la très ancienne ferme de Vénalte, sur le territoire de Crupet. Cette ferme en carré date, pour ses parties les plus anciennes, du 17ème siècle. Elle fut construite à proximité d’un endroit qui fut toujours favorable aux installations humaines puisque on y retrouva les traces d’un cimetière mérovingien.

Le retour vers Bauche, en descente, ménage de superbes vues sur la vallée du Bocq et sur le hameau de Bauche mais aussi sur les éoliennes situées sur le plateau condruzien, à cheval sur les communes d’Yvoir et de Dinant.